Exercices de philosophie pour tous et pour personne

La politique peut-elle se passer du peuple ?

Instructions : Ecoutez les présentations suivantes, répondez aux questions de compréhension proposées et analysez les textes associés.
Recommandations : Vous pouvez vous exercer seul. Vous pouvez aussi réfléchir, en ligne, avec vos ami(e)s en répondant ensemble  à ces questions. Il vous suffit de créer une page d’écriture collaborative avec https://framapad.org. Vous créez un compte, une page. Vous collez les questions, ci-dessous, sur votre page. Vous invitez vos ami(e)s et hop ! C’est parti

Introduction :  Les périodes de crise sont marquées par une puissante tension entre deux principes d’action antagonistes : une force de répulsion individualiste engendrée par un désir d’indépendance, et une force d’attraction communautariste provoquée par le besoin de stabilité. Ainsi, la société se trouve prise entre les revendications d’individus préoccupés par leur bien-être et la tentation des communautarismes ou du populisme qui s’adressent aux foules en leur promettant un bonheur collectif. Où est passé le peuple dans cette situation ?

Dans la République, les membres du corps politique ne sont pas des enfants assujettis à une puissance publique omnipotente. Ils ne sont pas davantage des adolescents refusant toute autorité. Ils sont citoyens. Ils sont majeurs. En d’autres termes, ils sont capables de se donner à eux-mêmes une loi commune. Comment cette union est-elle possible ?

La notion de peuple pose le problème de l’unité politique. Un peuple n’est-il qu’un agrégat d’individus ou de communautés juxtaposés ? N’est-il pas, au contraire, une réalité politique présentant une unité réelle ? Ne possède-t-il pas une vie et une volonté commune ? Réfléchir ce qui fait qu’un peuple est un peuple, c’est examiner l’acte par lequel des personnes unifient leurs forces et leurs volontés.

I. Un peuple n’est-il qu’une somme d’individus et de communautés ?

a) L’individualisme peut-il être légitimé ?, Michel Magnant 

Présentation : L’individualisme promu par la modernité trouve sa forme la plus radicale dans la pensée de Max Stirner développée dans L’unique et sa propriété en 1845 : il est question ici de l’ « unique » comme substantif, c’est à dire d’un sujet absolument singulier et sans pareil, souverainement libre et auto-suffisant. Cette conception qui paraît définir la forme ultime du solipsisme, prétend cependant moins à constituer un principe métaphysique qu’à inaugurer un programme révolutionnaire : celui visant à dénoncer toutes les aliénations du moi, toute prétention à le réduire, le catégoriser ou l’intégrer dans des genres. Stirner définit ici les fondements et les visées de l’anarchisme : quelle place est alors laissée à la reconnaissance des autres, quels types de relations sont ouverts d’unique à d’autres, tout autant uniques ?

 

b) Unité et multitude du peuple, Évelyne Guillemeau

Présentation : Qu’est-ce qui fait qu’un peuple est un peuple ? Cette unité est-elle une donnée historique et sociale ou bien, sinon une idée transcendante, du moins une construction juridique ? Et l’identité d’une personne participe-t-elle d’une essence ou d’une décision administrative ? Une population recensée dans le cadre d’un État peut n’avoir d’unité que formelle dès lors qu’elle ignore la diversité humaine fruit des bouleversements historiques. Ainsi, l’expérience enseigne qu’on ne rencontre jamais Le peuple, mais des familles, des groupes, des associations, des organisations, des ligues, des Églises, et pire encore, des foules. En un mot, on a le plus souvent affaire à une multitude de gens qui vaquent à leurs affaires sans se soucier des relations objectives qui forment le tissu social. Les populations qui partagent un même territoire et vivent sous une autorité et une loi communes se présentent bien plus souvent sous cette forme instable voire chaotique. Qu’on la nomme « la plèbe », « la populace » pour s’en distinguer avec mépris ou qu’on adule les « masses populaires », la multitude inspire autant la crainte des révoltes que l’espoir d’une société plus juste et plus démocratique. Quelle puissance politique est capable d’instaurer la concorde civile ? Cette question est au cœur de la démocratie.

c) Qui est le peuple ?, Gérard Bras

Présentation : Le nom de « peuple » rencontre plusieurs sens, selon celui qui l’utilise, selon les moments de l’histoire. S’agit-il d’un mot fourre-tout disponible pour toutes les démagogies ? Nous montrerons, au contraire, que c’est un nom qui pose la question de l’égalité, dans tous ses aspects, qui engage à s’interroger sur la démocratie et sa puissance.

 

 

 

Questions en débat :

 

1- Faut-il préférer l’individu au citoyen ?

 

2- Faut-il appartenir à une communauté pour être heureux ?

 

3- Le peuple est-il seulement une réalité historique?

 

4- Peut-on confondre peuple et masse populaire ?

 

5- Un peuple possède-t-il une volonté ?

Textes à analyser :

Texte n° 1 : « Le pouvoir que chaque particulier remet à la société dans laquelle il entre, ne peut jamais retourner aux particuliers pendant que la société subsiste, mais réside toujours dans la communauté ; parce que, sans cela, il ne saurait y avoir de communauté ni d’Etat, ce qui pourtant serait tout à fait contraire à la convention originaire. C’est pourquoi, quand le peuple a placé le pouvoir législatif dans une assemblée, et arrêté que ce pouvoir continuerait à être exercé par l’assemblée et par ses successeurs, auxquels elle aurait elle-même soin de pourvoir, le pouvoir législatif ne peut jamais retourner au peuple, pendant que le gouvernement subsiste ; parce qu’ayant établi une puissance législative pour toujours, il lui a remis tout le pouvoir politique ; et ainsi, il ne peut point le reprendre. Mais s’il a prescrit certaines limites à la durée de la puissance législative, et a voulu que le pouvoir suprême résidât dans une seule personne ou dans une assemblée, pour un certain temps seulement ; ou bien, si ceux qui sont constitués en autorité ont, par leur mauvaise conduite, perdu leur droit et leur pouvoir ; quand les conducteurs ont perdu ainsi leur pouvoir et leur droit, ou que le temps déterminé est fini, le pouvoir suprême retourne à la société, et le peuple a droit d’agir en qualité de souverain, et d’exercer l’autorité législative, ou bien d’ériger une nouvelle forme de gouvernement, et de remettre la suprême puissance, dont il se trouve alors entièrement et pleinement revêtu, entre de nouvelles mains, comme il juge à propos. » J. Locke, Deuxième Traité du Gouvernement civil, § 243.

Tetxe n° 2 : «« Comment pouvez-Vous vivre véritablement en société, aussi longtemps qu’une ombre d’exclusivisme subsiste entre vous ? » Je retourne la question et dis : « Comment pouvez-vous vraiment être unique, aussi longtemps qu’il subsiste ne serait-ce qu’un seul lien entre Vous ? Si Vous dépendez les uns des autres, Vous ne pouvez Vous séparer et si un « lien » quelconque vous attache, Vous n’êtes que quelque chose qu’en tête-à-tête, vos douze font une douzaine, vos milliers un peuple, vos millions l’humanité ». « Mais ce n’est qu’en étant humains que Vous pouvez avoir des rapports mutuels en tant qu’hommes, de même que Vous comprendre comme patriotes que si Vous êtes patriotes ! » Soit ; quant à Moi, Je réponds : « Ce n’est que lorsque Vous êtes unique que Vous pouvez avoir avec autrui des rapports sur la base de ce que Vous êtes ». C’est d’ailleurs précisément le critique le plus intransigeant qui est le plus durement atteint par la malédiction de son propre principe. En se débarrassant d’un exclusivisme après l’autre – cléricalisme, patriotisme, etc. – il dissout un lien après l’autre et se retrouve enfin, tous liens rompus… seul. C’est précisément lui qui doit exclure tous ceux qui ont quelque chose d’exclusif ou de privé et que peut-il finalement y avoir de plus exclusif que la personne elle-même, la personne exclusive et unique ! Ou bien estime-t-il peut-être qu’il vaudrait mieux que tous deviennent « hommes » et renoncent à l’exclusivisme ? Mais justement parce que « tous » signifie « chaque individu particulier », la plus éclatante contradiction subsiste, l’« individu particulier » étant l’exclusivité même. Si l’humaniste ne permet à l’individu rien de privé ou d’exclusif, aucune idée personnelle, aucune folie privée, si sa critique lui enlève tout à la barbe dans sa haine absolue et fanatique du privé, qui n’admet aucune tolérance à son égard parce que tout privé est inhumain, elle ne peut pourtant pas supprimer la personne privée elle-même. En effet, le dur noyau de l’individu lui résiste et l’oblige à se contenter de le déclarer « personne privée » et de lui abandonner à nouveau véritablement toutes les affaires privées. Que va faire la société qui ne se préoccupe plus du tout du privé ? Le rendre impossible ? que non, mais le «subordonner à ses intérêts, abandonnant par exemple à la volonté privée le soin de fixer autant de jours fériés qu’elle veut, à condition qu’elle n’entre pas en conflit avec l’intérêt général. Tout le domaine privé est déclaré libre, c’est-à-dire sans intérêt pour la société. » Max Stirner, L’unique et sa propriété et autres écrits.

 

II. Le populisme s’adresse-il au peuple ou seulement à la foule ?

a) L’opium du peuple, Jean-Luc Nativelle

Présentation : L’opium du peuple, sous la plume de Karl Marx en 1843, c’est la religion. Par sa promesse d’un monde meilleur dans l’Au-delà, elle endort la douleur de la misère sans la soigner et incite les plus pauvres à accepter leur sort ici-bas. Le pouvoir est ainsi d’abord idéologie, autour d’instruments qui persuadent les peuples qu’ils obéissent d’eux-mêmes. La Boétie, trois siècles plus tôt, avait déjà dit son étonnement devant la capacité des peuples à la servitude volontaire. Aujourd’hui, chacun peut prétendre ne plus être dupe des manipulations du pouvoir, en allant puiser à toutes les sources d’information possibles. À moins que l’effet de persuasion produit ne soit une autre forme d’opium.

 

b) De la Servitude volontaire, Michel Malherbe

Présentation : La multitude se soumet au pouvoir d’un seul. Or qu’est-ce que le pouvoir d’un seul, face à la puissance de la multitude ? Donnons à la crainte, à la peur de la mort ou de la perte de sa tranquillité, toute l’influence qu’on voudra : cette influence ne sera jamais assez puissante pour expliquer le comportement du peuple.  La question, malheureusement, est toujours d’actualité ; disons-la dans les termes de la Boétie. Comment un peuple, qui est toujours nombreux, peut-il se laisser asservir par un tyran ? Comment une multitude peut-elle tomber sous le joug d’un seul ?

c) Faut-il avoir peur du populisme ?, Lynda Dematteo, Marc-Olivier Padis et Christophe Ventura

Présentation : C’est un phénomène inédit et une contradiction en soi : le mot « populisme » est sur toutes les lèvres et connaît une extension mondiale alors qu’une définition tant universelle qu’irréfutable reste introuvable. Hier une quasi-insulte, il finit aujourd’hui par être revendiqué positivement. Parle-t-on d’une tendance à privilégier la parole du peuple au détriment des élites ? Cette même tendance qui consiste à user de démagogie pour flatter les opinions et ainsi tromper la foule, lui faisant croire qu’elle a toujours raison et que le pouvoir est en elle ? Ou s’agit-il d’en appeler aux fondamentaux de notre démocratie, le pouvoir du peuple, qui choisit ses représentants directement ou indirectement, comme c’est le cas en France ? Le populisme participe-t-il d’une réaction face au « désenchantement démocratique » et au développement des inégalités ? Dérive manipulatoire pour les uns, espoir de souveraineté pour les autres, faut-il avoir peur du populisme ?

Questions en débat :

 

1- La religion, est-elle un moyen d’oppression ou un obstacle à l’oppression ?

2- Peut-on renoncer librement à sa liberté ?

3- Renoncer à sa liberté, est-ce renoncer à sa qualité d’homme ?

3- Le peuple a-t-il une parole ?

4- Le peuple peut-il gouverner ?

 

Textes à analyser :

Texte n°1 : « Renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs. Il n’y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout. Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l’homme; et c’est ôter toute moralité à ses actions que d’ôter toute liberté à sa volonté. Enfin c’est une convention vaine et contradictoire de stipuler d’une part une autorité absolue, et de l’autre une obéissance sans bornes. N’est-il pas clair qu’on n’est engagé à rien envers celui dont on a droit de tout exiger ? Et cette seule condition, sans équivalent, sans échange, n’entraîne-t-elle pas la nullité de l’acte? Car, quel droit mon esclave aurait-il contre moi, puisque tout ce qu’il a m’appartient et que, son droit étant le mien, ce droit de moi contre moi-même est un mot qui n’a aucun sens ? » Rousseau, Du contrat social, 1, 4

Texte n°2 : « Voici le fondement de la critique irréligieuse : c’est l’homme qui fait la religion et non la religion qui fait l’homme. À la vérité, la religion est la conscience de soi et le sentiment de soi de l’homme qui, ou bien ne s’est pas encore conquis, ou bien s’est déjà de nouveau perdu. Mais l’homme, ce n’est pas un être abstrait recroquevillé hors du monde. L’homme c’est le monde de l’homme, c’est l’État, c’est la société. Cet État, cette société produisent la religion, une conscience renversée du monde parce qu’ils sont eux-mêmes un monde renversé. La religion est la théorie générale de ce monde, son compendium encyclopédique, sa logique sous une forme populaire, son point d’honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément cérémoniel, son universel motif de consolation et de justification. Elle est la réalisation chimérique de l’essence humaine, parce que l’essence humaine ne possède pas de réalité véritable. Lutter contre la religion, c’est donc, indirectement lutter contre ce monde là, dont la religion est l’arôme spirituel.
La misère religieuse est tout à la fois l’expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée, l’âme d’un monde sans coeur, de même qu’elle est l’esprit d’un état de choses où il n’est point d’esprit. Elle est l’opium du peuple.
Nier la religion, ce bonheur illusoire du peuple, c’est exiger son bonheur réel. Exiger qu’il abandonne toute illusion sur son état, c’est exiger qu’il renonce à un état qui a besoin d’illusions. La critique de la religion contient en germe la critique de la vallée de larmes dont la religion est l’auréole. […] La critique du ciel se transforme ainsi en critique de la terre, la critique de la religion en critique du droit, la critique de la théologie en critique de la politique. » K. Marx, Pour une critique de la philosophie du droit de Hegel.

III. Un peuple peut-il être autre chose qu’une nation démocratique ?

 

a) Peut-on fonder l’Etat sur un ordre naturel comme celui de la famille ?, Jean-Marie Frey

Présentation : Selon Rousseau, les hommes sont aliénés par la réalité sociale. L’enquête politique entreprise par le Contrat social est dirigée contre ceux qui prétendent légitimer cette réalité. Elle combat les défenseurs de l’ordre établi. Parmi ces thuriféraires du conservatisme, il y a les paternalistes qui prétendent fonder l’État sur la nature. ​

 

b) Quelle séparation Liberté civile / Intérêt public, aujourd’hui ?, Tristan Storme

Présentation : La distinction de l’espace privé et de l’espace public est l’une des grandes conquêtes des démocraties modernes. En effet, cette distinction soustrait la liberté et l’intimité individuelles à la surveillance et à l’arbitraire du pouvoir politique et, réciproquement, permet l’exercice de ce pouvoir indépendamment de toute prétention privée de faire la loi dans l’espace public. Or cette distinction se trouve aujourd’hui brouillée, à la fois par de nouvelles techniques invasives du privé par le public et de nouvelles tentatives du privé d’empiéter sur le public, notamment pour ce qui est des croyances religieuses qui prétendent à nouveau prendre part ès qualités aux discussions et décisions publiques. Que penser et que faire alors de la conception et de la pratique républicaines de la laïcité (française essentiellement), qui tâche de sauvegarder l’indépendance respective de l’espace privé et de l’espace public, en notre moment historique singulier marqué par des confusions et des violences que l’on avait naïvement pu croire dépassées ?

c) L’État-nation, une idée et une réalité dépassées ?, Joël Gaubert

Présentation : Joël Gaubert nous propose, ici, une réflexion instruite et critique sur cette institution politique qu’est l’État-nation, dont la nature, la fonction et la valeur semblent, aujourd’hui, se dissoudre dans l’idée dite « plus moderne » de communauté. Une refondation de cette institution du pouvoir démocratique des peuples pourrait-elle éviter le double écueil, d’une part, du repli sur soi au profit d’un État-nation isolationniste arcbouté sur son principe de souveraineté du peuple – mettant alors à mal le projet de la construction européenne – et, d’autre part, d’un État-nation instrumentalisé, voire, tout simplement, supprimé, au profit d’institutions supranationales omnipotentes réalisant un projet fédéral sur lequel les peuples n’auraient plus aucun pouvoir ? La réflexion ici menée ouvre une voie originale non seulement possible mais indispensable à nos sociétés politiques contemporaines, harcelées par toutes les tentatives de repli identitaire ou de destitution politique de la sphère publique au profit de sociétés privées postnationales réduisant le politique lui-même à un simple instrument d’un marché en voie de mondialisation finale.

Questions en débat :

 

1- Un peuple est-il une réalité naturelle ?

 

2- Un ordre politique juste est-il un ordre fondé sur un contrat ?

 

3- L’État restreint-il la liberté ?

 

4- Faut-il distinguer l’État et la nation ?

 

5- Une unité politique sans République est-elle concevable ?

 

Textes à analyser :

Texte n° 1 : « Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme… Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine. Quant au demeurant de ses concitoyens, il est à coté d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et, s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie. Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer dans l’enfance. Il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre. Il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? C’est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l’emploi du libre-arbitre ; qu’il renferme l’action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu chaque citoyen jusqu’à l’image de lui-même. » Tocqueville, De la démocratie en Amérique, t. II, IVe partie, Chap. VI

Texte n° 2 : « Un peuple, dit Grotius, peut se donner à un roi. Selon Grotius, un peuple est donc un peuple avant de se donner à un roi. Ce don même est un acte civil ; il suppose une délibération publique. Avant donc que d’examiner l’acte par lequel un peuple élit un roi, il serait bon d’examiner l’acte par lequel un peuple est un peuple ; car cet acte, étant nécessairement antérieur à l’autre, est le vrai fondement de la société.
En effet, s’il n’y avait point de convention antérieure, où serait, à moins que l’élection ne fût unanime, l’obligation pour le petit nombre de se soumettre au choix du grand ? et d’où cent qui veulent un maître ont-ils le droit de voter pour dix qui n’en veulent point ? La loi de la pluralité des suffrages est elle-même un, établissement de convention et suppose, au moins une fois, l’unanimité. » Rousseau, Du contrat social, 1, 5.

Conclusion : Le peuple et la République

La passion de l’égalité est-elle le commencement et la fin de la République ?

 

Présentation : La passion égalitaire des envieux divise le corps politique. Rousseau lui oppose une vertueuse passion de l’égalité. Cette inclination pour la justice sociale n’est pas étrangère à la félicité du sage. Elle est un amour de la sagesse favorable à l’accomplissement de la République.

Bibliographie en partenariat avec les Editions M-Editer

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Rédacteurs :  © Jean-Marie Frey & Stéphane Vendé