Exercices de philosophie pour tous et pour personne

Qu’est-ce que l’amitié ?

Jacques RICOT & André GUIGOT

Instructions :

I. Prenez connaissance du texte d’Aristote, II. Prenez note de l’explication qu’en propose Jacques RICOT,  III. 1. Prenez note de l’analyse de l’amitié que propose ici André Guigot.
2. Faites une synthèse de vos différentes lectures et répondez finalement à la question de savoir ce qu’est une amitié.

Recommandations :

Vous pouvez vous exercer seul. Vous pouvez aussi réfléchir, en ligne, avec vos ami(e)s en répondant ensemble  à ces questions. Il vous suffit de créer une page d’écriture collaborative avec https://framapad.org. Vous créez un compte, une page. Vous collez les questions, ci-dessous, sur votre page. Vous invitez vos ami(e)s et hop ! c’est parti.

Présentation :

Une amitié intéressée est-elle une amitié ? Aimer quelqu’un en fonction de l’agrément que l’on en retire est-ce encore une amitié ? Nous aurions tendance à répondre non, mais Aristote moins sévère et plus subtil que nous, considère que l’amitié utile et l’amitié d’agrément, sont des amitiés, certes imparfaites, mais des amitiés puisqu’elles permettent une véritable relation. Néanmoins, seule l’amitié dite vertueuse, celle qui aime l’autre pour ce qu’il est, peut prétendre à la perfection.

I. Lire ces Chapitres III et IV du Livre VIII de L’Ethique à Nicomaque d’Aristote

CHAPITRE III : Les espèces de l’amitié : l’amitié fondée sur l’utilité et l’amitié fondée sur le plaisir

Or ces objets aimables diffèrent l’un de l’autre en espèce, et par suite aussi les attachements et les amitiés correspondantes. On aura dès lors trois espèces d’amitiés, en nombre égal à leurs objets, car répondant à chaque espèce il y a un attachement réciproque ne demeurant pas inaperçu des intéressés Or quand les hommes ont l’un pour l’autre une amitié partagée, ils se souhaitent réciproquement du bien d’après l’objet qui est à l’origine de leur amitié Ainsi donc, ceux dont l’amitié réciproque a pour source l’utilité ne s’aiment pas l’un l’autre pour eux-mêmes mais en tant qu’il y a quelque bien qu’ils retirent l’un de l’autre. De même encore ceux dont l’amitié repose sur le plaisir ce n’est pas en raison de ce que les gens d’esprit sont ce qu’ils sont en eux-mêmes qu’ils les chérissent, mais parce qu’ils les trouvent agréables personnellement. Par suite ceux dont l’amitié est fondée sur l’utilité aiment pour leur propre bien, et ceux qui aiment en raison du plaisir, pour leur propre agrément, et non pas dans l’un et l’autre cas en tant ce qu’est en elle-même la personne aimée mais en tant qu’elle est utile ou agréable. Dès lors ces amitiés ont un caractère accidentel, puisque ce n’est pas en tant ce qu’elle est essentiellement que la personne aimée est aimée, mais en tant qu’elle procure quelque bien ou quelque plaisir, suivant le cas. Les amitiés de ce genre sont par suite fragiles, dès que les deux amis ne demeurent pas pareils à ce qu’ils étaient s’ils ne sont plus agréables ou utiles l’un à l’autre, ils cessent d’être amis. Or l’utilité n’est pas une chose durable, mais elle varie suivant les époques. Aussi, quand la cause qui faisait l’amitié a disparu, l’amitié elle-même est-elle rompue, attendu que l’amitié n’existe qu’en vue de la fin en question.

C’est surtout chez les vieillards que cette sorte d’amitié se rencontre (car les personnes de cet âge ne poursuivent pas l’agrément mais le profit), et aussi chez ceux des hommes faits et des jeunes gens qui recherchent leur intérêt. Les amis de cette sorte ne se plaisent guère à vivre ensemble, car parfois ils ne sont pas même agréables l’un à l’autre ; ils n’ont dès lors nullement besoin d’une telle fréquentation, à moins qu’ils n’y trouvent leur intérêt, puisqu’ils ne se plaisent l’un avec l’autre que dans la mesure où ils ont l’espérance de quelque bien. — A ces amitiés on rattache aussi celle envers les hôtes.

D’autre part, l’amitié chez les jeunes gens semble avoir pour fondement le plaisir ; car les jeunes gens vivent sous l’empire de la passion, et ils poursuivent surtout ce qui leur plaît personnellement et le plaisir du moment ; mais en avançant en âge, les choses qui leur plaisent ne demeurent pas les mêmes. C’est pourquoi ils forment rapidement des amitiés et les abandonnent avec la même facilité, car leur amitié change avec l’objet qui leur donne du plaisir, et les plaisirs de cet âge sont sujets à de brusques variations.

Les jeunes gens ont aussi un penchant à l’amour, car une grande part de l’émotion amoureuse relève de la passion et a pour source le plaisir. De là vient qu’ils aiment et cessent d’aimer avec la même rapidité, changeant plusieurs fois dans la même journée. Ils souhaitent aussi passer leur temps et leur vie en compagnie de leurs amis, car c’est de cette façon que se présente pour eux ce qui a trait à l’amitié.

CHAPITRE IV : L’amitié fondée sur la vertu

Mais la parfaite amitié est celle des hommes vertueux et qui sont semblables en vertu : car ces amis-là se souhaitent pareillement du bien les uns aux autres en tant qu’ils sont bons, et ils sont bons par eux-mêmes Mais ceux qui souhaitent du bien à leurs amis pour l’amour de ces derniers sont des amis par excellence (puisqu’ils se comportent ainsi l’un envers l’autre en raison de la propre nature de chacun d’eux, et non par accident) ; aussi leur amitié persiste-t-elle aussi longtemps qu’ils sont eux-mêmes bons, et la vertu est une disposition stable. Et chacun d’eux est bon à la fois absolument et pour son ami, puisque les hommes bons sont en même temps bons absolument et utiles les uns aux autres. Et de la même façon qu’ils sont bons ils sont agréables aussi l’un pour l’autre : les hommes bons sont à la fois agréables absolument et agréables les uns pour les autres, puisque chacun fait résider son plaisir dans les actions qui expriment son caractère propre, et par suite dans celles qui sont de même nature, et que, d’autre part, les actions des gens de bien sont identiques ou semblables à celles des autres gens de bien. Il est normal qu’une amitié de ce genre soit stable, car en elle sont réunies toutes les qualités qui doivent appartenir aux amis. Toute amitié, en effet, a pour source le bien ou le plaisir, bien ou plaisir envisagés soit au sens absolu, soit seulement pour celui qui aime, c’est-à-dire en raison d’une certaine ressemblance ; mais dans le cas de cette amitié, toutes les qualités que nous avons indiquées appartiennent aux amis par eux-mêmes (car en cette amitié les amis sont semblables aussi pour les autres qualités) et ce qui est bon absolument est aussi agréable absolument. Or ce sont là les principaux objets de l’amitié, et dès lors l’affection et l’amitié existent chez ces amis au plus haut degré et en la forme la plus excellente.

Il est naturel que les amitiés de cette espèce soient rares, car de tels hommes sont en petit nombre. En outre elles exigent comme condition supplémentaire, du temps et des habitudes communes, car, selon le proverbe, il n’est pas possible de se connaître l’un l’autre avant d’avoir consommé ensemble la mesure de sel dont parle le dicton ni d’admettre quelqu’un dans son amitié, ou d’être réellement amis, avant que chacun des intéressés se soit montré à l’autre comme un digne objet d’amitié et lui ait inspiré de la confiance. Et ceux qui s’engagent rapidement dans les liens d’une amitié réciproque ont assurément la volonté d’être amis, mais ils ne le sont pas en réalité, à moins qu’ils ne soient aussi dignes d’être aimés l’un et l’autre, et qu’ils aient connaissance de leurs sentiments : car si la volonté de contracter une amitié est prompte l’amitié ne l’est pas.

II. Prenez note de la lecture que propose ici Jacques Ricot du texte d’Aristote.

Qu'est-ce que l'amitié ?

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III. 1. Prenez note de l’analyse de l’amitié que propose ici André Guigot.

2. Faites une synthèse de vos différentes lectures et répondez finalement à la question de savoir ce qu’est l’amitié.

Présentation : Lors de cette intervention, qui peut être considérée comme une longue méditation philosophique sur l’amitié, André Guigot convoque de multiples penseurs : Agamben, Kant, Pascal, Bachelard, Spinoza… Il explore avec eux ce sentiment défini par Kant comme «amour et respect réciproque», et montre combien l’amitié est un événement qui change la vie. Non pas en transformant le quotidien par des choses extraordinaires, mais lentement, et donc authentiquement. Il se moque un peu de la manie moderne de tout quantifier et de mettre en avant le nombre de ses «amis». Et affirme : le vrai «progrès», dans le domaine de l’amitié, réside dans le renoncement à la performance. André Guigot développe enfin dans ce livre la thèse de «l’amitié originelle », qui peut se référer à l’amour de l’humanité dont le Christ est la figure la plus pure, et qui pousse chacun à se laisser éprouver un sentiment proche de l’amitié à l’égard de son prochain, comme de tous ceux qui ont une communauté de destin.

Biographies, Bibliographies, crédits et droits

Jacques RICOT est Professeur honoraire en classes préparatoires scientifiques au lycée Clemenceau de Nantes, il a été chargé de cours de bioéthique au département de philosophie de l’Université de Nantes dont il est chercheur associé, membre de l’association Philosophia. Licencié de philosophie, sociologie et lettres. Agrégé et docteur en philosophie. Auteur d’ouvrages et d’articles, particulièrement autour de la problématique du pardon, de l’inhumain, de la dignité, de la fin de vie et de la paix.

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André GUIGOT a fait des études de philosophie et de droit à Brest. Licence et Maîtrise de philosophie à Nantes, DEA de philosophie juridique à Caen, Diplôme du Collège International de Philosophie à Paris (dir. Mr Badiou), Doctorat de philosophie à Paris I-Sorbonne : « L’ontologie politique de Jean Paul Sartre » (Édition Presse Universitaire du Septentrion), Direction : Mr Stanguennec, Mme Védrine, (2000). Il est chargé de cours à l’université de Nantes (Philosophie morale et politique) et professeur au lycée Appert à Orvault.
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Rédacteur :  © Stéphane Vendé