« Le quart d’heure philo », tous les mercredis et vendredis à 18h45, une chronique radiophonique philosophique sur Jetfm 91.2
L’idée reçue a la vie dure : la philosophie serait un mode de réflexion abstrait, vague, compliqué, seulement réservé à des spécialistes qui tiennent des discours auxquels on ne comprend rien.
Pourtant les philosophes s’intéressent à ce qu’il y a de plus concret chez les hommes : le désir, le corps, le bonheur, la perception, l’autre… Toutes sortes d’objets qui font notre quotidien, mais que nous ne prenons pas le temps de voir et d’essayer de comprendre.
Le quart d’heure philo sera ce moment de réflexion : partant d’une situation banale – une rencontre amoureuse, une illusion d’optique, une dispute – nous essaierons d’en montrer le sens et les enjeux, et de saisir en quoi même la banalité recèle un problème philosophique du plus haut intérêt.
Le programme des chroniques à venir :
– Mercredi 17 janvier : diffusion de « Vivre dans sa bulle », par Jean-François Crépel / rediffusion le vendredi 26 janvier.
– Mercredi 7 février : diffusion de « La rêverie », par Jean-Marie Frey / rediffusion le vendredi 16 février.
– Mercredi 21 février : diffusion de « Se torturer l’esprit », par Jean-François / rediffusion le vendredi 2 mars.
– Mercredi 21 mars : diffusion de « La valeur du travail », par Jean-Marie / rediffusion le vendredi 30 mars.
– Mercredi 4 avril : diffusion de « La crise », par Arnaud St Pol / rediffusion le vendredi 13 avril.
– Mercredi 18 avril : diffusion de « Le regard », par Jean-Marie / rediffusion le vendredi 27 avril.
La rêverie – La rêverie et la pensée rationnelle font-elles bon ménage ?, Jean-Marie Frey
« De toutes les habitations où j’ai demeuré (et j’en ai eu de charmantes), aucune ne m’a rendu si véritablement heureux et ne m’a laissé de si tendres regrets que l’île Saint-Pierre […] il m’eut suffi durant toute mon existence sans laisser naître un seul instant dans mon âme le désir d’un autre état. »
« Quand le soir approchoit je descendois des cimes de l’Isle et j’allois volontiers m’asseoir au bord du lac sur la gréve dans quelque azyle caché ; là le bruit des vagues et l’agitation de l’eau fixant mes sens et chassant de mon ame toute autre agitation la plongeoient dans une rêverie delicieuse où la nuit me surprenoit souvent sans que je m’en fusse apperceu. Le flux et reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles frappant sans relâche mon oreille et mes yeux suppléoient aux mouvemens internes que la rêverie éteignoit en moi et suffisoient pour me faire sentir avec plaisir mon existence, sans prendre la peine de penser. » Jean-Jacques Rousseau, Cinquième promenade
La beauté de l’oeuvre d’art – L’art est-il encore la belle représentation d’une chose et non la représentation d’une belle chose ?, Jean-Marie Frey
« Il serait ridicule qu’un homme pensât justifier ses prétentions en disant : cet objet (l’édifice que nous voyons, le vêtement qu’untel porte, le concert que nous entendons, le poème que l’on soumet à notre jugement) est beau pour moi. Car il ne suffît pas qu’une chose lui plaise pour qu’il ait le droit de l’appeler belle , beaucoup de choses peuvent avoir pour lui du charme et de l’agrément, personne ne s’en soucie, mais quand il donne une chose pour belle, il prétend trouver la même satisfaction en autrui ; il ne juge pas seulement pour lui mais pour tous et parle alors de la beauté comme si elle était une propriété des objets; il dit donc : la chose est belle, et s’il compte sur l’accord des autres avec son jugement de satisfaction, ce n’est pas qu’il ait constaté à diverses reprises cet accord mais c’est qu’il l’exige. Il les blâme s’ils jugent autrement, il leur dénie le goût tout en demandant qu’ils en aient; et ainsi on ne peut pas dire : à chacun son goût. Cela reviendrait à dire – il n’y a pas de goût, c’est-à-dire pas de jugement esthétique qui puisse légitimement prétendre à l’assentiment universel. » KANT, Critique du jugement, § 7
L’alter ego – A quoi reconnaissons-nous l’autre comme un autre moi-même ?, Sylvain Portier
« Autrui est le médiateur entre moi et moi-même : j’ai honte de moi tel que j’apparais à autrui. Et par l’apparition même d’autrui, je suis mis en mesure de porter un jugement sur moi-même comme sur un objet, car c’est comme objet que j’apparais à autrui. Mais pourtant cet objet apparu à autrui, ce n’est pas une vaine image dans l’esprit d’un autre. Cette image en effet serait entièrement imputable à autrui et ne saurait me « toucher ». Je pourrais ressentir de l’agacement, de la colère en face d’elle, comme devant un mauvais portrait de moi, qui me prête une laideur ou une bassesse d’expression que je n’ai pas ; mais je ne saurais être atteint jusqu’aux moelles : la honte est, par nature, reconnaissance. Je reconnais que je suis comme autrui me voit ». J-P. Sartre, L’être et le néant (1943), éd. Gallimard, coll. « Tel », 1976,
Le coup de foudre – Nous jugeons qu’une chose est bonne parce que nous la désirons., Jean-Luc Nativelle
« Nous n’avons non plus l’appétit ni le désir de quelque chose parce que nous jugeons que cette chose est bonne ; mais qu’au contraire nous jugeons qu’une chose est bonne parce que nous nous efforçons vers elle, que nous la voulons, que nous en avons l’appétit et le désir. » Spinoza, L’Ethique
La dispute – Pourquoi avons-nous l’illusion de détenir la vérité alors que nous n’avons que des opinions ?, Jean-Luc Nativelle
« Le bon sens est la chose la mieux partagée car chacun pense en être si bien pourvu, que même ceux qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. (…) Mais ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est l’appliquer bien. » Descartes, Discours de la méthode
Le miroir – Pourquoi nous regardons-nous autant dans notre miroir ? A quoi jouons-nous ? Que s’y joue-t-il ?, Sylvain Portier
« Le stade du miroir est un drame dont la poussée interne se précipite de l’insuffisance à l’anticipation – et qui pour le sujet, pris au leurre de l’identification spatiale, machine les fantasmes qui se succèdent d’une image morcelée du corps à une forme que nous appellerons orthopédique de sa totalité. » Lacan, Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je